Le concept cognitif de borne doit-il être mathématisé dans le système du TAM ?
Zlatka Guentchéva  1@  , Jean-Pierre Desclés  2@  
1 : LACITO-CNRS  (Langues et Civilisations à Tradition Orale)
Université Paris III - Sorbonne nouvelle, INALCO PARIS, Université Paris IV - Paris Sorbonne
7, rue Guy Môquet 94800 Villjeuif -  France
2 : STIH - Paris Sorbonne  (Sens, Textes, Informatique, Histoire)
Universit Paris IV
Maison de la Rechreche 28, rue Serpente 75006 Paris -  France

Les langues représentent des situations actualisées sur des intervalles d'instants. Aussi la notion de borne est-elle largement utilisée dans les descriptions linguistiques, sans toutefois recevoir une même interprétation. Pourtant, les mathématiques en fournissent des définitions précises, compatibles avec une intuition supportée par la topologie des intervalles d'instants utilisée (mais de façon implicite) par les études du TAM. La notion de borne soulève cependant une question théorique: la temporalité dans le TAM est-elle continue ou discrète (de nature énumérable) ? Si l'on accepte l'hypothèse que la temporalité exprimée par les langues est cognitivement perçue comme continue et orientée, les bornes doivent être appréhendées comme des « coupures continues », définies par le mathématicien Dedekind pour caractériser la continuité (plus complexe que la simple densité). L'histoire des sciences montre que la mathématisation des concepts d'une discipline la fait progresser lorsqu'elle choisit de s'appuyer sur des définitions opératoires (par exemple, en anthropologie, avec les relations de parenté analysées comme des groupes de transformations).

Nous proposons de suivre la même méthode pour l'étude du TAM et montrerons que la prise en compte de la continuité temporelle permet de définir précisément les propriétés des bornes ouvertes et fermées et déduire un système cohérent de concepts aspectuels : état, événement, processus, résultatifs, processus énonciatif, accomplissement, achèvement, suite d'événements discrets... En y adjoignant les propriétés du repérage temporel (concomitance, différenciation, rupture), nous dégagerons la structuration interne de différents référentiels temporels et l'articulation des concepts de l'aspectualité avec ceux de la modalité (jugements sur la certitude, la quasi-certitude, l'incertitude...), de « l'évidentialité » exprimant certains raisonnements inférentiels (hypothèse plausible construite par abduction), et de la contrefactualité (passée ou attendue entraînant des effets de surprise). Des exemples et des visualisations, sous forme de diagrammes aspecto-temporels, illustreront ces analyses.


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