La grammaticalisation des parfaits implique une restriction des critères de compatibilité aspectuelle : limités aux expressions verbales transformatives au stade de résultatifs (état résultant d'un procès antérieur), ils s'ouvrent progressivement aux non-transformatifs en devenant des parfaits puis des temps passés.
En français et en allemand, les parfaits sont parvenus à un stade avancé de grammaticalisation. Ils sont notamment compatibles avec des compléments de temps datant le procès et sont souvent considérés, au moins dans certains de leurs emplois, comme ceux de véritables temps passés. Pourtant, le statut du parfait est encore en évolution dans les deux langues sémantiquement et formellement.
Sur la base de deux critères formels de grammaticalisation, la perte de l'accord du participe et la modification de l'auxiliaire (Askedal 2010), et en nous focalisant sur l'évolution actuelle, cette étude cherche à montrer que l'aspect lexical joue un rôle important dans la grammaticalisation des parfaits, y compris aux stades les plus avancés.
En effet, il est connu que le choix de l'auxiliaire, être ou avoir, est lié au type aspectuel de verbe (être pour les verbes intransitifs transformatifs, ou pour les emplois résultatifs). Avoir est ainsi associé aux emplois les plus avancés dans la grammaticalisation. Or dans les deux langues, le choix de l'auxiliaire est en évolution et tend vers une plus grande lexicalisation.
D'autre part, en français, l'accord du participe avec avoir est clairement en recul (Audibert-Gibier 1992). Or ce recul est plus prononcé avec certains verbes et certains contextes syntaxiques porteurs d'aspect (Rebotier 2014).
Enfin, le rôle de l'aspect lexical est différent dans une langue comme le français qui possède un aspect grammatical et dans une langue comme l'allemand qui n'en possède pas. L'aspect lexical reste plus influent sur les parfaits en allemand.